Discours d’Hubert Falco pour le 75ème anniversaire de la Libération de Toulon

Mesdames, Messieurs,

En août 1944, après plus de deux années de souffrances et de privations, notre ville cruellement meurtrie voyait entrer ses libérateurs.

Pour la première fois depuis longtemps, des Français libéraient d’autres Français. C’était il y a 75 ans.

Comme chaque année, nous sommes ici rassemblés, toutes générations confondues, autorités, élus, anciens combattants, porte-drapeaux, Toulonnais anonymes, pour rendre hommage avec émotion et reconnaissance aux hommes et aux femmes qui ont combattu pour la libération de notre ville et ont versé leur sang pour elle.

Devant ce monument aux morts, Toulon a toujours commémoré avec émotion le Débarquement en Provence, et souligné sa portée primordiale et décisive dans la libération de la France et de l’Europe.

Et depuis toutes ces années, Toulon n’a cessé de rappeler que l’armée du Général de Lattre de Tassigny, cette Armée B, bientôt rebaptisée 1ère Armée Française, chargée de délivrer les ports stratégiques de Toulon et de Marseille, était composée de soldats venus de la métropole et de tous les horizons de l’outre-mer français.

Ils venaient du Maroc, de l’Algérie ou de la Tunisie, de l’Afrique occidentale ou équatoriale, de Madagascar ou de l’Océan Indien, de l’Asie ou des territoires du Pacifique.

Chasseurs d’Afrique, goumiers, tabors, spahis, tirailleurs, zouaves venaient défendre une terre de France que la majorité d’entre eux foulaient pour la première fois.

Ils partageaient un même idéal et un même courage.

Comme le Général de Gaulle, chef de la France Libre l’avait voulu, ces soldats étaient au rendez-vous de l’Histoire.

Commémorer, c’est bien sûr rappeler les pages glorieuses de notre histoire. L’histoire de France.

Commémorer, c’est saluer le sacrifice des hommes et des femmes qui se sont battus pour elle, c’est rendre hommage à leur bravoure, à leur force d’âme.

Même s’ils sont hélas de moins en moins nombreux, nous avons la chance d’avoir encore aujourd’hui parmi nous des anciens combattants, des anciens résistants, porteurs de la mémoire vive de la guerre.

Je ne sais pas si l’Amiral Jean-Paul TURC, qui a participé aux deux débarquements et était en août 44 à bord du croiseur Georges Leygues au large de nos côtes, est parmi nous aujourd’hui. Nous pensons tous à lui avec émotion.

Nos anciens sont présents, malgré le temps qui passe, comme ils l’ont été, tout au long de leur vie, avec les membres des associations patriotiques et leurs porte-drapeaux, pour rappeler dans les cérémonies du souvenir les sacrifices consentis par tous leurs camarades.

Mais remercier nos combattants, leur dire notre gratitude, le respect et la reconnaissance que leur engagement nous inspire encore aujourd’hui, 75 ans plus tard, ne suffit pas.

Nous devons nous montrer dignes d’eux, et leur exemple doit nous inspirer aujourd’hui encore.

Aux heures les plus sombres de notre histoire, quand tout semblait perdu, les compagnons du Général de Gaulle et tous les Français libres qui ont combattu avec lui aux côtés des alliés, ont choisi de continuer le combat pour la liberté et contre la barbarie.

Sur les champs de bataille comme dans les maquis, ils se sont battus au péril de leur vie pour libérer l’Europe de l’occupant nazi et de sa folie meurtrière.

La lutte que nos libérateurs ont menée exprimait une vision de l’homme et du monde bâtie sur des valeurs et des principes qui les rassemblaient : la liberté, l’égalité, la fraternité, la dignité de l’homme, la tolérance et le respect de l’autre, des valeurs qui doivent aujourd’hui encore, plus que jamais, nous rassembler.

En ce 28 août, nous devons conserver le souvenir de nos libérateurs et trouver dans leur exemple, leur engagement et leur sacrifice la force de défendre, comme ils ont su le faire entre 1940 et 1945, et comme nos aïeux l’avaient fait en 14/18, nos valeurs républicaines, notre identité, notre cohésion nationale, notre patrie : la France.

Mesdames et Messieurs, en août 1944, des soldats ont combattu ici pour que nous restions des hommes libres. Ils ont rendu à la France la liberté et l’espérance.

Commémorer, c’est transmettre, et c’est dire aussi que si le nazisme a été vaincu, il n’en reste pas moins que le racisme, l’antisémitisme demeurent et peuvent ressurgir à tout moment. Ces fléaux nous menacent, ils doivent être prévenus avec la même vigilance et combattus avec la même énergie.

Les cérémonies du souvenir témoignent d’un attachement partagé des Français pour tout ce qui touche à l’histoire et au travail de mémoire.

Ce sont aussi d’intenses moments de rassemblement, d’unité nationale, qui, en suscitant des émotions partagées, permettent aussi de renouer les liens qui pourraient être distendus, parfois défaits, entre nos compatriotes.

C’est l’occasion de célébrer ce qui nous relie, ce qui nous unit, et non pas ce qui nous divise.

Pour ma part, face à la férocité d’une haine débordante et violente, j’ai toujours pensé qu’il fallait privilégier l’humain.

Alors que la menace terroriste reste très présente, réunis par le devoir de mémoire en hommage à nos libérateurs, rendons hommage à toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui, tous corps de métiers confondus, policiers, gendarmes, pompiers, veillent à notre sécurité.

Rendons hommage à nos soldats, à nos aviateurs, à nos marins qui, chaque jour, donnent le meilleur d’eux-mêmes pour servir la France et défendre ses valeurs à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières.

En honorant les soldats de De Lattre, souvenons-nous qu’aujourd’hui encore, partout dans le monde, là où la présence de la France est utile et nécessaire, notre armée se déploie pour garantir la paix et sauver des vies.

Nos combattants d’aujourd’hui le font avec courage, avec générosité, avec cœur.

Ils sont les dignes héritiers des généraux De Lattre, Magnan, Brosset, De Larminat et de leurs hommes.

Nos combattants d’aujourd’hui perpétuent cette chaîne de l’engagement et du sacrifice suprême.

En cet instant, mes pensées vont vers deux héros, deux officiers mariniers du commando Hubert, cette unité d’élite de la Marine Nationale qui s’entraîne toute l’année dans notre rade.

Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello sont tombés, dans la nuit du 9 au 10 mai dernier, sous les tirs d’un groupe de terroristes islamiques au nord du Burkina Faso. Ils ont sacrifié leur vie pour sauver celle de 2 otages. Ils ont payé de leur vie leur dévouement à la France.

Leur mort violente a soudainement donné un visage à ces hommes habitués à agir dans l’ombre. Car c’est dans l’ombre qu’ils veillent à la sécurité de la France et de ses ressortissants, partout à travers le monde.

Notre gratitude et notre admiration leur sont acquises à jamais.

Et puis, en cet instant, comment ne pas honorer aussi la mémoire du Commandant et des hommes d’équipage du sous-marin La Minerve, disparu le 27 janvier 1968, et dont l’épave a été retrouvée il y a quelques semaines au large de nos côtes, par 2370 mètres de fond ?

Nous partageons l’émotion des familles de ces 52 marins morts dans l’accomplissement de leur devoir.

En cet instant de recueillement, je souhaite associer leur souvenir, avec respect et reconnaissance, à celui de ces hommes et de ces femmes qui, en cet été 1944, ont donné leur vie pour que nous soyons des hommes libres et pour que Vive la France.

Vive Toulon !
Vive la République !
Vive la France !